Depuis une trentaine d’années, Anne Sarah Le Meur crée des œuvres d’une présence mouvante et énigmatique qui ne cessent de surprendre la vision. Après des études de mathématiques, elle découvre les images de synthèse au département d’arts plastiques de l’Université Paris 8, y apprend à programmer et à composer des images sur ordinateur. « Étant scientifique de formation, dit-elle, l’idée de faire de l’art avec l’informatique me paraissait impossible, mais cette impossibilité a été en fait une stimulation énorme […].* » Dans ses œuvres récentes, une multitude de teintes se déploient devant nos yeux : du vert, du gris, du violet profond, un rose- orangé… parfois un rouge vif fait irruption. Pourtant, l’artiste se sert d’une « palette » très restreinte : deux ou trois lumières, l’une claire et colorée, et l’autre sombre. Comme le peintre qui n’utilise que les trois couleurs primaires pour obtenir une gamme extraordinaire de nuances, Anne Sarah Le Meur expérimente avec très peu d’éléments pour arriver à une quasi infinité de possibles et une grande richesse visuelle. Elle élabore ses images dans un logiciel 3D, y écrit son code et définit ses variables et ses boucles, sans savoir préalablement ce qui se produira exactement. Et l’ordinateur engendre les images au fur et à mesure qu’il effectue les calculs. Ainsi, celles-ci se transforment sans cesse. Et pour faire ses tableaux, l’artiste doit effectuer des choix et des arrêts sur les phénomènes en mouvement perpétuel. D’où la sensation d’ondulation et de pulsation colorée qui saisit notre regard.
En parallèle de ses images de synthèse, Anne Sarah Le Meur a toujours pratiqué la photographie. Elle capte des formes énigmatiques dans les objets du quotidien, dans la lumière qui traverse un vase en verre, ou dans les ombres portées sur un mur. En voyage, son œil peut être attiré par une scène de rue, par un fragment d’architecture. Se trouve dans ses photographies, notamment les séries Sourdre et Lasse de 2011, une exploration de la lumière et du clair-obscur, en dialogue visuel avec ses images 3D.
Sans toile ni pinceau, l’artiste développe ainsi une œuvre qui interroge la peinture. Par le biais du processus de programmation, nous sommes amenés, bien au-delà de la technologie, vers la contemplation de la présence sensorielle de la couleur[…]
Diana Quinby, Artiste et historienne de l’art