« …Manuel Ruiz Vida est obsédé par le temps qui passe et les traces qu’il laisse sur les choses. II aime la rouille, la moisissure, les taches, les façades décrépies, les auréoles d’humidité ocrant les murs, les lambeaux de papier peint, tout ce qui témoigne d’une desquamation ou d’une détérioration produites, indirectement ou directement, par l’activité humaine. Cela finit par constituer un monde où son regard se réfugie, un lieu tendre et simplement poétique, accueillant, fraternel et humain. L’objet comme support et la lumière comme révélateur du temps, une lumière née des couches colorées superposées, grattées, où se mêlent les reflets subtils et les contrastes violents. Ainsi éclairés, l’ustensile ou le paysage industriel réfutent toute nostalgie : il n’y a là aucun regret de ce qui a été, mais au contraire une admiration pour ce qui est -ou pour ce qui devient- car ces objets et ces paysages, comme nous, n’en finissent pas de vieillir. Comme nous, ils sont constitués d’une succession de traces, souvent invisibles, que seule la lumière dévoile. Mais encore faut-il accepter que la lumière soit. La recherche, ici, est celle du temps présent. Ce à quoi s’attache Manuel Ruiz Vida est l’un des devoirs de la peinture : redéfinir sans cesse la réalité, notre réalité (qu’elle soit intérieure ou extérieure), la saisir, la représenter en la sublimant, en la métamorphosant en une véritable vision du monde ; faire de l’apparente banalité quotidienne (un visage, un objet, un paysage, un sentiment) une œuvre d’art ».

Olivier Cena. Extraits « Le temps à l’œuvre » Télérama, janvier 2005