Gérald Thupinier fait partie de ces peintres qui ont à voir avec les mots… Ou qui savent qu’ils ont à voir avec les mots et qui interrogent ce savoir là. Thupinier interrogeaient déjà les mots dans ses toutes premières pièces. Puis les mots se sont effacés… « pour mettre l’humain au centre du tableau » disait en substance Thupinier et il s’est engagé, notamment, dans ces séries de faces, portraits sans reconnaissance pour figurer l’humain. Et voici que les mots reviennent en force, prennent la place du sujet des séries précédentes, la place de la face. Bouleversant : dans la série actuelle, les mots vous font face, c’est eux qu’il faut envisager.

Dans les tableaux de Thupinier, le mot tourne autour d’un centre dont on se demande s’il explose ou implose, s’il est écrasé par la gravité, ou s’il en échappe. C’est qu’il y a là toute une vie, tout un grouillement aux tonalités de terre pauvre, de roche rongée, une fusion qui produit ses cratères, ses mouvements telluriques, ses montagnes, ses plaines, ses déserts, ses vallées, ses liquidités et leurs diffusions et épanchements, ses poussées végétales entre lichen, moisissures et traces d’insectes… Ces troublants portraits de mots sont autant de cartographies des territoires établis par le peintre… Bouleversant. C’est bien le monde qui figure là, et une pensée en action du monde, et une émotion du monde faite chose, et la distance qu’il faut prendre avec le monde pour y vivre.

Raphaël Monticelli